• Vos deux regards

    Il est des instants où l’on voudrait pouvoir crier, prier et remercier à la fois.

    L’une revient de l’hôpital guérie ; l’autre y dort encore dans l’incertitude de la vie. Et tous deux n’ont pas six ans !

    Je ne parlerai pas ici de la souffrance, qu’il s’agisse de l’enfant, qu’il s’agisse des parents. Face à la souffrance humaine, il n’est qu’une seule réaction : l’incompréhension ; qu’un seul discours possible : le silence. Et lorsqu’il s’agit d’un enfant, cette incompréhension devient encore plus grande, ce silence encore plus profond.

    Mais il y a une phrase de Laurent Gaudé qui résonne particulièrement en ce moment :

    « Pourquoi est-ce que le cœur de l’homme ne peut accueillir en son sein deux sentiments contradictoires et les laisser vivre ensemble ? » (la joie et la douleur dont parle l'un des personnages)*

    Deux visages s’imposent : une petite fille qui sourit et un petit garçon que tout dépasse et qui espère, malgré tout. Trois regards : celui de la joie, celui de l’attente, parfois baigné de larmes, et celui que nous posons, lorsque nous osons nous approcher.

    Il est une réponse à Laurent Gaudé qui ne plaira peut-être pas forcément à tout le monde parce que mal comprise dans notre éducation, notre civilisation et encore moins dans notre siècle qui nous tourne vers nous-mêmes et notre propre bonheur : l’oubli. Non pas l’oubli de celui qui souffre au profit de celui qui est dans la joie. Non pas le refus de la joie parce qu'un autre souffre mais l’oubli de soi-même ou, plus exactement, l’effacement de soi-même.

    Comment accueillir ces deux sentiments contradictoires ? Peut-être par cette voie-là : s’effacer, essayer de faire taire ses entrailles quand celui qui s’approche est guéri et se réjouir avec lui, même si autre chose se dit en nous. Désirer transmettre cette force que donne la joie reçue à celui qui est malade. Et le faire à chaque fois non pour se protéger de ses propres sentiments mais dans l’accueil de ce que chacun vit. C’est peut-être finalement d’une certaine manière réenfanter ; laisser la vie se dire à celui qui est malade et se réjouir avec celui qui est guéri.

     

      Ciel picard sur le sable 2

     

     

     

     

     

     Parvenir à fondre ces sentiments comme le ciel et le sable se mêlent, dans cette très grande douceur de l'horizon.

     

     

    Anne Le Sonneur

     

     

     

    * Laurent Gaudé, Dans la nuit Mozambique, Actes Sud 2007.


  • Commentaires

    2
    Dimanche 19 Décembre 2010 à 15:39

    Merci à vous pour votre commentaire qui me touche. Si mes mots peuvent apporter un peu de paix et de douceur, ils auront fait l'essentiel. Si vous me permettez, je garde dans ma pensée votre amie. Amicalement. Anne

    1
    Dimanche 19 Décembre 2010 à 15:05

    Merci, Anne, pour ce texte très sensible qui me parle à un moment où nous accompagnons une amie très malade. La vie est ambivalente et il nous faut la vivre avec ses contradictions, ses joies et ses douleurs. Merci de votre visite sur mon blog et allez voir le film de Nicole Garcia !

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